Les Hommes peuvent pleurer
“Quand on est un garçon, on ne pleure pas “. L'écho de cette phrase se fait de plus en plus lointain dans le cœur des hommes. Dans ces portraits, Margaux Bonhomme capture sur le vif l’apparition des larmes avant qu’elles ne s’échappent sur des visages d’hommes. C'est l'instant furtif et fragile où tout bascule, c'est la perte de contrôle, le dévoilement de soi, qui libère l’émotion et soulage la peine. La photographe remplie un mur de ces portraits pour se constituer un talisman contre la douleur. « Les hommes sur ces photographies sont des amis et des membres de ma famille, ou des comédiens professionnels. Quand ils ont acceptaient de poser, je les laissais choisir leur jour et leur heure. Chaque homme devait avoir son jour. Je ne pouvais pas faire plusieurs portraits par jour. J’instaurais un cérémonial pour leur visite au studio : quand ils arrivaient, je leur proposais un café ou quelque chose à boire. Ce temps de la collation me permettait d’initier un rapprochement. Puis, je les installais tous à la même place, près de la fenêtre, pour les maquiller légèrement, et éviter des retouches que je ne souhaitais pas. Cette étape me permettait de leur demander de me faire confiance, de se laisser aller entre mes mains. Pendant ou après la séance de pose, je leur demandais quand ils avaient pleurer pour la dernière fois. Voici certaines de leurs réponses : « Je me cache pour pleurer, je prends ma voiture, je roule dans n’importe quelle direction. C’est quelque chose de très intime. » « Ca fait très longtemps que je n’ai pas pleuré. La dernière fois, c’était pour une fille ». « Je ne me souviens pas ». « Et là, est ce que j’ai bien pleuré, je ne suis pas sûr ? ». « Ce qui me fait pleurer, c’est de voir d’autres personnes émues autour de moi ».
“Je voulais qu’il y ait pleins d’hommes, et qu’ils forment un groupe. Parmi tous ces hommes, se trouve mon père. Cette démarche que j’ai commencée il y a deux ans, devait me conduire inévitablement à lui demander d’y participer. J’ai demandé à mon père de pleurer pour moi. Il a accepté. »